C’est en travaillant sur l’histoire des luttes autonomes en France que j’avais rencontré Elisabeth Auerbacher, une des fondatrices du Comité de lutte des handicapés en 1973 et de son journal, « Handicapés méchants ». Beaucoup des anciens membres de ce collectif combattif étaient décédés et c’était une des seules dont j’avais retrouvé la trace. A travers un portrait de cette handicapée en fauteuil, atteinte d’un spina bifida, j’ai eu envie de rendre compte du combat d’une frange de la population trop souvent regardée avec condescendance lorsqu’elle n’est pas marginalisée ou méprisée.
La première partie s’attarde sur l’évolution du regard de la société, le long chemin de la bataille pour la reconnaissance des handicapés pour être considérés comme des personnes à part entière. Elle capte une rencontre. Elisabeth Auerbacher, militante et avocate, s’est battue dans un contexte, de son enfance dans les années 50 à son engagement des années 70, où tout était à faire dans une société où on cachait les handicapés qui ne sortaient pas de la famille ou d’institutions fermées. Au mieux on les plaignait, au pire on les culpabilisait. Nicolas Houguet, auteur et blogueur, également en fauteuil et enfant des années 80, au contraire, comme beaucoup de sa génération, ne veut pas être perçu comme un militant, un ambassadeur de sa condition. Cela n’empêchera pas les deux protagonistes d’exprimer un même refus d’être réduits à une seule spécificité physique.
La seconde partie revient sur la création, l’action, les contradictions et la fin du Comité de lutte des handicapés. Dans le sillon des comités d’action de Mai 68, forme originale et horizontale d’organisation, il fit partie de l’éclosion des collectifs informels des années 70, analysa politiquement le handicap dans une société de profit, multiplia les actions et interventions originales et tapageuses pour interpeller, protester, provoquer la prise de conscience. Le Comité s’est battu pour l’accessibilité, le refus de la charité, contre l’exploitation des handicapés dans leurs conditions de travail. Comme de nombreux collectifs de cette époque, il a implosé sous le poids des oppositions, entre partisans de la voie légale et du renversement révolutionnaire, la lassitude et l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 qui désagrégea l’ensemble du mouvement social.
Le combat n’est demeure pas moins exemplaire et d’actualité, comme la récente loi Elan, extrêmement contestée, le démontre.
A l’origine, devait également figurer un échange entre Elisabeth Auerbacher et Cara Zina, auteur du roman « Handi Gang », mettant en scène un collectif de jeunes handicapés luttant pour l’accessibilité au-delà de la légalité, une histoire résonnant fortement avec celle du Comité de lutte des handicapés. Malheureusement, je n’ai pu exploiter cet échange. Je ne vous en recommande pas moins la lecture de ce livre publié aux Editions Libertalia.