Après un cadenassage strict sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, l’élection de François Mitterrand en 1981 et le vent de liberté qu’il est censé incarner, suscitent des centaines de vocations en matière de radios libres. Parmi elles, Carbone 14 constitue certainement l’une des plus singulières et des plus populaires. L’impertinence et le délire sont au rendez-vous.
Le premier épisode évoque le contexte, la naissance et l’apparition de Carbone 14 sur la bande FM parisienne. Un petit publicitaire se met en tête de monter une station, tablant sur une future possibilité de vendre de l’espace sur les radios locales privées. Celui qui se fait appeler Gérard s’avère être un personnage trouble. De son vrai nom Dominique Fenu, margoulin prêt à toutes les magouilles et aux relations politiques multiples, il obtient le soutien d’Yves Lancien, député gaulliste. Ce dernier pense tirer parti de ce projet de radio et en faire un pôle promotionnel dédié à son action. Mais, lorsqu’il voit débarquer l’équipe de jeunes indomptables recrutés par une petite annonce parue dans le journal Libération, il se désengage bien vite. En réalité, Fenu n’a aucune idée du type de radio qu’il entend diriger. Chaque animateur amateur amène donc, à partir de décembre 1981, ses idées et sa touche. Musique et délires sont au rendez-vous. Jean-Yves Lambert dit Lafesse est le premier à ouvrir l’antenne aux auditeurs sans restriction d’expression. Michel Fiszbin alias Robert LeHaineux, du trio de théâtre de rue Les Minablos, donne à la station une empreinte à la fois humoristique et contestataire. Son idée de convoquer un couple pour faire l’amour en direct provoque l’intérêt des médias.
Dans le second épisode, la popularité de Carbone 14 est faite : la radio est une des plus écoutées de la région parisienne. Le ton audacieux, irrévérencieux et provocateur, le principe de liberté d’expression sans entrave, les commentaires anarchisant sur l’actualité et le quotidien plaisent. Le sexe occupe une place grandissante dans les émissions. Avec l’arrivée de Catherine Pelletier, Supernana à l’antenne, un pas de plus est franchi. La jeune femme pratique également l’antenne ouverte mais avec un ton décapant, offensif, souvent moqueur, parfois volontairement méchant. La concurrence est de mise entre elle et Jean-Yves Lafesse, qui multiplie les supercheries de haute volée : fausse prise d’otage de l’antenne, faux suicide d’une femme en direct, fausse annonce de la mort du chanteur des Rolling Stones relayée par l’AFP… Dans les locaux, sur fond de consommation d’alcool et de stupéfiants, les tensions succèdent parfois à la fête. Jean-François Gallotte alias David Grossexe se met en tête de documenter l’expérience en tournant un film ovni, qui fait scandale au Festival de Cannes. Malgré ses liens avec le monde politique, Fenu échoue finalement à obtenir l’autorisation de la Haute autorité de la communication audiovisuelle. Le ton outrancier de la radio, le fait que son émetteur brouille la fréquence de France Musique et son montage financier opaque n’y sont pas pour rien. En août 1983, la police saisit le matériel de la radio… c’est la fin de Carbone 14. Le temps est à la rationalisation et au retour des normes économiques.