Pour beaucoup, skinhead est synonyme de bêtise, d’extrême-droite et de nazisme. Ayant été jeune punk au début des années 80, je sais que c’est beaucoup plus complexe. En grandissant à Colombes, en banlieue parisienne, j’ai toujours entendu parler de Farid, skinhead de la bande des Halles, la première en France. Il avait la réputation d’être une teigne. Au festival annuel des groupes de musique organisé par la municipalité, le passage éclair de son groupe éphémère, Samu 92, était à son image : bordélique, violente, chaotique… Plus tard, je continuais à le croiser sans qu’on se connaisse, jusqu’au jour où nous avons été présentés.

Crédits : Collection personnelle Farid – Radio France

Farid appartient à cette première génération de skinheads certes violente, mais comme toutes les bandes de jeunes de l’époque, et certainement pas politisée. Les saluts nazis, par pure provocation, faisaient partie du folklore, mais une grande partie des skins des Halles était d’origines diverses, algérienne comme Farid, mais aussi asiatique, kabyle, juive marocaine… Pour nombre d’entre eux, cette vie de rue, d’une violence débordant de frustration adolescente, fut synonyme d’autodestruction.

A l’époque, j’ai fait la connaissance d’un groupe de musique, L’Infanterie Sauvage, dont les membres habitaient une autre banlieue que la mienne. Un temps, je fus proche d’eux. Géno, leur chanteur skinhead, pétillant et drôle dans ses rapports amicaux, captivait l’attention sur scène. Mais je fus témoin de sa lente dérive. Son léger patriotisme devient plus obsessionnel et offensif, ses fréquentations changent, ce qui provoqua la fin du groupe. Peu à peu, il se rêve leader d’un mouvement skinhead nazi. Sa prise de conscience de l’absurdité de ses propres errements arrivera trop tard.

Crédits : Archive Privée « L’Infanterie Sauvage »

Enfant de l’immigration maghrébine, l’enfance et les conditions de vie de Farid  expliquent pour beaucoup son adolescence en rupture de ban. Si l’extrême-droite a seulement failli le récupérer, une histoire familiale compliquée et une certaine fragilité a conduit Géno à s’y engouffrer. Deux portraits, deux histoires de jeunesse.